Take me away | feat Max

Les semaines passées ont clairement pas été des plus tender. Ma chair est meurtrie, j’ressemble plus à rien. Marcher est un calvaire et j’tiens qu’avec l’appui d’une canne que j’ai piqué à un vieux. T’façon j’suis sûr qu’il a amplement les moyens de s’en prendre une autre sans souci. Je soupire et pose mon masque qui couvre mon visage … pour une fois presque satisfait de le laisser couvrir mes bleus, mes plaies et autres bosses. J’suis encore tout pété de ma chute, j’ai toujours pas pu en causer à Wei à tête reposée et pourtant va bien falloir que j’lui dise. J’ai pas envie de lui mentir éternellement, faut qu’il sache que c’est lui qui m’a poussé. Mais là-bas … il avait l’air tellement mal de me voir par terre, il a cru me perdre et j’ai bien compris qu’ça l’inquiétais. Mes épaules craquent alors que je tente de les assouplir. Le problème c’est qu’il faut encore que je descende de mon perchoir, avec une planque en hauteur, le désavantage c’est qu’une fois amoché c’est dur à regagner ou d’en partir. Dans tous ce merdier, Kaede a réussi à m’annoncer que sa famille lui a trouvé une gentille compagne, qu’il va se marier et que du coup il me lâche … totalement. J’suis qu’une merde qu’on peut abandonner derrière, c’est vraiment un salaud. Il avait dit qu’il me sortirait de ma vie pourri, qu’j’aurais jamais plus à m’en faire. Ben heureusement que j’l’ai pas cru sinon la chute aurait été encore plus dure. Héhéhé … la chute … décidément entre mon plongeon du haut de l’immeuble et ça, j’suis expert en dégringolade. Pourtant le besoin devient présent. Wei est sans doute retourner dans une phase de violences où il ne se contrôle pas assez, je l’entends se parler seul et casser des trucs à tout va. De mon côté, la nourriture commence grave à manquer et mon ventre se creuse alors que je peine déjà à retrouver des forces. Je soupire et m’attèle au labeur d’escalader la façade pour rejoindre la ruelle. Je me plonge dans le monde des esprits et dissimule ma présence, même le pyro saura pas que je passe au ras de sa planque. J’ai pas la force d’y jeter un œil, mais je pense à lui de toutes mes forces, il reste ma famille.

Irréfléchi comme toujours, je me hasarde à aller jusque dans les plus beaux quartiers pour ne pas risquer de rencontrer des « copains » surtout en position de faiblesse. Ça serait con que je me fasse attraper. Le problème c’est que quand on est un vieux pantin tout désarticulé, pour voler quoi que ce soit, c’est nawak ! trop vigilant peut-être, j’me dis qu’il vaut mieux pas que j’fasse de la merde et j’éviter plusieurs fois de me risquer à me faire chopper mon ventre gargouille tellement que j’en pleurerais presque. J’ai mal, marre de sucer des trognons de pommes tout défraichi. La nuit tombe et je me retrouve seul dans les ruelles trop calmes. Sans doute qu’ils vont tous taffer demain et ne cherche pas à sortir dans ces coins trop sages où il n’y pas de criminalité.

La porte familière d’un immeuble attire mon regard et j’effectue un tour rapide du bâtiment pour trouver une entrée aisée. L’avantage de ce coin de la ville, c’est qu’aucun immeuble ne monte bien haut et j’ai tôt fait de repérer un moyen d’atteindre la fenêtre qui m’intéresse. L’escalade s’avère encore plus compliquée que prévue, faut dire qu’avec toutes mes côtes cassées … les médecins voulaient que je reste des mois au lit avant de bouger … ils croient quoi ? que la nourriture va venir toute seule se suicider dans ma bouche ? Encore une fois, je disparais dans le monde des esprits et finis sur le rebord de la fenêtre. Je casse le carreau et ouvre afin de m’introduire dans l’appartement.

Prudent, je m’annonce rapidement, ça serait pas question de me faire casser la gueule encore une fois et la blondinette en serait bien capable. Je retourne dans ma dimension et appelle la belle en chuchotant.

« Zeph ? C’est Max … »

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Elle m’arrache un sourire alors que je me vautre lamentablement sur le sol après avoir raté le petit rebord vicieux. Un craquement sinistre indique qu’une de mes côtes n’as pas apprécié la chute de l’histoire … Une de plus, un de moins, je ne suis pas à ça près et je me relève en grimaçant et retenant de hurler sous l’effet de la douleur. Si j’avais moins de côtes, j’en aurais moins à briser ! je la suis comme son ombre, claudiquant avec ma canne, un peu ridicule et pas du tout discret. L’enfer ce bâton qui résonne partout à chacun de mes pas. J’ouvre des yeux ronds en la regardant préparer des assiettes. Déjà ça fait une paye que j’ai pas mangé proprement et en plus dans de telle quantité … non mais c’est la fête de l’hiver avant l’heure !! Je jubile autant que mon corps brisé ne me le permette et me trémousse jusqu’au canapé pour poser mon illustre postérieur. Les odeurs de nourriture qui se réchauffe m’émoustille au plus haut moins et je sens déjà ma bouche se remplir de salive et je la déglutis avant de ne la laisser sortir par les recoins de mes lèvres. J’enlève mon masque et prends le temps de regarder l’appartement de la cyclope. Y’a pas à dire, y’en a qui savent bien vivre. Du coin de l’œil je repère la bouteille de rhum et l’attrape avant d’en boire une gorgée directement au goulot. Le rhum me brûle la gorge et je tousse après un tel breuvage. Merde, j’devrais boire plus souvent, mais ça coute cher l’alcool et y’a que Kaede qui pouvait m’en payer et maintenant …. Pff connard … Je m’avachis sur moi-même et pour une fois me permet d’arborer une mine triste. Surtout devant Zeph’. D’habitudes, j’préfère pas lui montrer ça, c’est pas cool d’avoir un mec qui fait la gueule à table alors qu’tu viens de lui servir un putain de repas de ouf …

J’en suis à trifouiller mon assiette, ne rendant pas hommage à la faim qui me tiraille les entrailles. Je soupire et trempe mon doigt dans un truc qui semble être de la sauce et le lèche. C’est que c’est bon … je mets de côté ma maussadité intempestive. Pour engloutir un tiers de mon assiette dans les trente secondes suivantes. En revanche, j’arrive pas à articuler un mot et les larmes commencent à couler sur mes joues traçant des lignes dans la saleté incrusté sur mon visage. Comme quoi, j’ai pas trop réussi mon coup.

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Franchement, j’ai à peu près un milliard de réponses à lui donner sur où à traîner ma bouche et qu’elle ne me tente pas d’allonger la liste … ne serait me déplaire toutefois. Espiègle, j’en profite pour boire une lampée plus goulument que j’avale en la regardant dans les yeux. Rieur. Quant au repas, y’a pas à dire … c’est grave bon.

« Mais nan c’pas ça … j’suis juste fatigué … »

Evasif comme pas deux, j’ai aucune idée de comment communiquer normalement avec quelqu’un. Je replonge mon regard dans l’assiette toujours aussi pleine et mon ventre qui gronde, pestant contre le paradoxe que je lui impose. Je finis par soupirer et manger petit à petit le contenu restant. Zeph revient avec une bassine et commence à me houspiller. Bah, depuis le temps qu’elle rêve de me savonner au sens propre du terme … savonner … au sens « propre » … non mais j’ai fait l’école du rire c’pas possible !! j’en rirais presque si j’étais pas aussi blasé ce soir. Je me laisse totalement faire et une sensation étrange de déjà vu me fait tiquer. Quelque chose de lointain, dans mon enfance. Je n’y prête peut-être pas assez attention, mais même la voix de Zeph me paraît encore plus familière que d’habitude. Je la regarde et pose ma main sur sa joue que je caresse tendrement. Cette fois-ci, elle va finir par vraiment savoir où ma bouche a trainé. Je m’avance vers elle et l’embrasse. Longtemps. C’est moi ou ça a pas l’air de lui déplaire ?

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Hors de question de laisser cet instant voler en éclat, si je peux avoir la cyclope contre moi, je ne laisserai rien ni personne intervenir, même elle. Son front chaud contre le mien, je pose mes mains de chaque côté de son visage et continue de chercher à embrasser ses lèvres à la commissure de ces dernières. Je lui murmure à l’oreille.

« Après … »

Mes embrassades reprennent alors plus sensuelles et je me vois l’audace de parcourir sa joue, son cou puis descendre le long de son bras. Je la pousse gentiment jusqu’à ce qu’elle se retrouve allongée sur son canapé. Mes mains agiles, trop habituées, courent sur son corps et je la dévêtis en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « ouf ». Je ne saurais dire combien de temps nous avons tenu, mais lorsque nous commençons à nous essouffler, le soleil pointe le bout de son nez. Je me colle contre elle et l’enlace. J’avoue que je ne m’attendais pas à ça en venant la voir, mais je ne suis pas déçu. Enfin, c’est pas tout mais … en guise de bonjour :

« T’as encore des trucs à manger ? »

Ben ouais mais ça creuse le sport ! je me lève d’un bond, toujours nu comme un vers et me dirige vers son garde-manger sans aucune honte. L’inconvénient, c’est que malgré mon expérience, j’suis quand même tombé du haut d’un immeuble y’a quelques semaines et que j’ai toujours des côtes cassées … je vais peut-être regretter plus tard notre partie de jambes en l’air.

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Pas le temps de réfléchir, gauche droite ? pfff trop naze j’ouvre tous les placards jusqu’à apercevoir mes futures victimes. Je leur saute dessus et les assène de coup de mâchoires jusqu’à ce qu’ils décèdent. Poussière, tu es né poussière tu redeviendras poussière !! Je retourne vers elle et heureusement, la bouche pleine, je n’arrive pas à protester lorsqu’elle attrape le bras que je m’étais fracturé … qu’il l’est toujours soit dit en passant, mais c’est grave trop reloud de porter une écharpe et ça m’empêche de monter et descendre de ma planque. Par contre je postillonne au moins la moitié du dernier gâteau. Me ravisant, je prends le temps de l’avaler bruyamment et laisse la cyclope me toucher. C’est qu’elle en demanderait encore dis donc.

« J’suis tombé d’un immeuble, tu peux me tartiner intégralement si tu veux ! »

Je souris à pleine dents fier de ma connerie. Zeph semble pas de cet avis et je reprends la question d’hier soir, celle à laquelle je lui ai promis une réponse après …

« J’ai été poussé pour être plus exact et après … j’pense que tu as perdu quelques uns de tes collègues il y a quelques mois dans Unnder … »

Jamais je dénoncerai Wei, je tiens trop à mon mentor et ça concerne que lui et moi. Je la regarde de coin attendant une quelconque réaction avant de reprendre.

« C’était moi ou eux, un traquenard … je sais qu’t’aimes pas qu’j’en parle … j’te fais confiance Zeph … »

Je m’approche d’elle alors que la blondinette semble s’acharner d’autant plus avec sa pate sur mon torse. Faut dire que je suis couvert de contusions, violettes, rouges, brunes, bleus, un panache de couleur qu’elle n’avait pas eu l’occasion de voir hier soir. J’avoue n’avoir plus qu’une envie, c’est de partir. Je ne sais pas si elle me croit, me fait confiance ou juste l’accepte. Pour elle j’suis qu’un gamin des rues et j’serais sans doute jamais plus. Alors je me lève et attrape mes vêtements que j’enfile en vitesse. Etrangement, j’ai envie de lui montrer que je vaux plus que cela, que j’ai grandi moi aussi et surtout que ma vie, ben c’est d’la merde, j’me bats tous les jours ne serait-ce que pour un quignon de pain. Elle peut pas comprendre ce que c’est d’être dans le merde. Je ne sais pas si je m’assombris, mais je me hâte de remettre mon masque pour me cacher. Impétueux, je n’attends pas de réponse de sa part et me tire par la fenêtre du salon cette fois, non sans oublier de disparaître dans le monde des esprits. Je sais bien que si elle met son attirail de cyclope, elle aura aucun mal à me repérer, mais autant essayer de disparaître le plus vite possible. Je respire et déjà je me retrouve dans les ruelles éclairées par le soleil artificiel qui plane au-dessus de la ville.

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